Le courant fonctionnel est en total opposition avec le courant génétique.
La théorie de Moss :
Il défend l'idée d'une matrice fonctionnelle, "composée de tissus, organes, cellules non squelettique et espace fonctionnel (nasal buccal et pharyngé) nécessaire à l'accomplissement d'une fonction" (Moss1 in Lautrou2). Pour Moss, “la taille, la forme, la position et la permanence de chaque unité squelettique sont une réponse secondaire, compensatoire et obligatoire à la demande de protection et/ou de soutien mécanique de sa matrice fonctionnelle spécifique.3 ” En somme, “la matrice grandit, le squelette répond." 4
Moss5 In Lautrou2. La croissance de la capsule oro-faciale contraint la mandibule à une croissance secondaire obligatoire du cartilage condylien.
Les os du calvarium sont inclus dans la capsule neurocrânienne. Cette capsule grandit en réponse à un accroissement volumétrique de la matrice capsulaire neurale.
Les os du calvarium sont transportés vers l'extérieur par la croissance passive. Le processus de croissance active périostée appose de l'os sur les bord des sutures, mais cette croissance est également secondaire et compensatoire (Moss, 1968).
Par exemple, pour cet auteur, c'est l'accroissement de la capsule fonctionnelle oro-faciale, qui en réponse aux augmentations de volume des cavités orale, buccale et pharyngienne transporte la mandibule en avant et en bas. Secondairement, il y a une prolifération cartilagineuse du condyle mandibulaire.
Cet auteur affirme qu'il n'existe pas de gène pour l'os, la croissance se fait selon des facteurs épigénétiques locaux (et non intrinsèques) et l'environnement local.
En outre, tous les cartilages fonctionnent comme les sutures membraneuses en réponse aux influences provenant à la fois du cerveau, du liquide céphalo-rachidien, de la musculature et des espaces pharyngés.6
Remarques :
- L'idée selon laquelle il n'existe pas de gène propre à l'os, ou codant pour un une tête, un bras est reprise par plusieurs chercheurs. Pour Fleury7 : "il n'existe pas à proprement parler de gène d'une vertèbre. Il existe, certes, des bandes dans les embryons, des zones où tel ou tel produit chimique est identifié. Mais, il n'existe aucun gène qui entraînerait la formation d'une vertèbre". Pour Gasc8, le même gène, s'exprimant à un moment différent, aurait un milieu environnant différent. Suivant le milieu, le même gène, peut donner un bec, une gueule de cheval ou bouche humaine.
- Allant plus loin, Farge9 affirme, que le milieu environnant est important et qu'il est possible de «reprogrammer» mécaniquement la génétique du développement.
- Comme Sutherland10 (fondateur de l’ostéopathie crânienne), cet auteur implique le liquide céphalo-rachidien dans la croissance crânienne. Le concepteur de l'ostéopathie crânienne, l'utilisait pour ouvrir les sutures, Moss le cite pour son rôle épigénétique.
La théorie d'Enlow :
Pour Enlow11, cité par Lautrou12, la croissance faciale est un processus différentiel de maturation progressive dans lequel les quantités, vitesses, durées et directions de croissance varient d'une région à l'autre. Par conséquent, des changements constants de taille et de forme des composants régionaux de la face et des ajustages entre les différentes parties anatomiques en résultent.
Enlow insiste sur les phénomènes de remodelage osseux.
Ce remodelage permet :
Une transformation morphologique de cette pièce,
Un déplacement de la pièce osseuse, dû à la croissance des tissus faciaux (déplacement primaire)
Un déplacement d'un os dû à l'augmentation des os voisins (déplacement secondaire).13
Le crâne n'est pas composé de pièces squelettique à croissance indépendante, mais plutôt d'unités squelettiques crânio-faciales,étroitement coordonnées.
Remarque :
- Ces deux théories par le rôle prépondérant des facteurs environnementaux sont forcément plaisantes pour les ostéopathes, dans la mesure où l'ostéopathe est capable de modifier le milieu environnant.
1 : Moss M.-L. Nouvelles conceptions analytique de la croissance cranio-faciale. CEO. Nov 1985. Inf Dent. 4. 193-200, 1986
2 : Lautrou A. Croissance faciale : théories explicatives et clinique orthodontique. Rev Orthop Dento Faciale. 28. 1994. 433-453
3 : Moss M.-L. The primacy of functional matrices in orofacial growth. Dent Pract 19. 65-73. 1968
4 : Moss M.-L. Functional cranial analysis and the functional matrix. A.S.H.O Reports 6. 5-18. 1971.
5 : Moss M.-L. The primacy of functional matrices in orofacial growth. Dent Pract 19. 65-73. 1968
6 : Moss M.-L Expérimental altération of basi-synchondrosal cartilage growth in rat and mouse. Symposium on Development of the basicranium.
Bethesda, Maryland : Bosma JF. ed. Dhew Publication 76-939. 1976. 30. 541-75
7 : Fleury V. De l’œuf à l’éternité. Le sens de l’évlution. Flammarion. 2006.
8 : Gasc J-P. Histoire naturelle de la tête. Leçon d’anatomie comparée. planète vivante. Vuibert. 2004.
9 : Farge E. L’embryon sous l’emprise des gènes et de la pression. Pour la science. 379. 2009. 42-49.
10 : Sutherland W.-G. The cranial bowl. A treatise to cranial articular mobility, cranial articular lesion and cranial technic. Free Press Co. 1939.
11 : Enlow D.-H. Facial growth. 3rd ed 562 p. Saunders Co ed Philadelphia. 1990
12 : Lautrou A. Effets directionnels d’une force extra-orale appliquée sur un activateur en hyperpropulsion. Thèse Doct Sci Odontol. Univ Paris V 1993
13 : Beaugrand-Coutière A. Thèse pour le diplôme d’état de docteur en chirurgie dentaire. Classe II et croissance : Attitudes préventive et interceptive.
Univ Paris V. 2004
14 : Belguedj M. L’organisation du développement vetical des structures crânio-faciales. Approche de leurs interrelations sur 132 cas par étude
céphalométrique et modélisation. Thèse pour le Diplôme d’Etat de Docteur en Chirurgie Dentaire. Univ du droit et de la Santé Lille 2. 2000 .